« On est à la fin d’une histoire », les entraîneurs de l’équipe de France masculine s’en vont



Arrivés en 2018, les entraîneurs Vincent Vittoz et Patrick Favre ont décidé de se retirer ensemble de l’encadrement de l’équipe de France masculine de biathlon, au terme d’une saison loin des attentes.

Ils sont venus l’annoncer aux médias français présents en Norvège, avec beaucoup d’émotion dans la voix. Vincent Vittoz et Patrick Favre se « mettent en retrait de l’entraînement et de la gestion du collectif des garçons » de l’équipe de France de biathlon. Un duo qui avait pris en main l’équipe de France en 2018 à la suite du départ de Stéphane Bouthiaux. Vincent Vittoz, champion du monde 2005 de ski de fond qui découvrait le biathlon, et Patrick Favre, l’Italien qui était en charge du tir de l’équipe féminine d’Italie.

« Une rupture dans le discours »

« On est la fin d’une histoire tous les deux, lance ému Vincent Vittoz. Force est de constater qu’on n’est plus en phase avec nos athlètes. On a fait les bilans et on a analysé ce qui n’a pas fonctionné. Les athlètes ont fait partie de certaines remarques. On sent qu’ils ne sont pas à même d’entendre notre discours. On était prêts à continuer mais il y a une rupture dans ce discours et on ne peut pas continuer. » Patrick Favre abonde : « Ils sont un peu fatigués d’entendre toujours le même discours. On avait beaucoup d’idées, mais elles ne collent pas. L’entraînement se base beaucoup sur la confiance et aujourd’hui on sent que cette confiance manque . Forcer les choses, ce n’est pas une bonne chose. »

Leur décision a été annoncée au groupe mercredi lors d’une réunion à la veille du dernier sprint de la saison à Oslo. Au terme d’une saison loin des attentes. Les garçons ne sont montés que cinq fois sur les podiums cette saison en Coupe du monde (trois pour Émilien Jacquelin ; un pour Quentin Fillon-Maillet et Eric Perrot). Pour la première fois depuis 2009, aucun bleu n’est monté sur un podium individuel aux championnats du monde. Et il ne leur reste que deux courses pour essayer de décrocher une victoire en Coupe du monde et éviter une saison blanche de succès qui serait une première depuis 1997 !

« C’est une saison un peu plus difficile certes, admet Vittoz. Mais avec du positif tout de même. Le positif c’était le collectif, les relais et ce titre de champion du monde. Avec Patrick on a mis beaucoup d’énergie pendant cinq ans, on a réussi à transmettre beaucoup de choses, on a réussi à faire progresser ces athlètes. On a pu les guider, mais cette année, ça a été une spirale négative, dans laquelle on a réussi à inverser la tendance , et eux, se sont aussi confortés dans cette spirale. »

La faillite des deux dirigeants

Il pointe du doigt « surtout la faillite des deux dirigeants Quentin (Fillon-Maillet) et Émilien (Jacquelin). » Et de détailler : « Il ne faut pas se cacher. Les autres ont évité, vous pouvez regarder leurs analyses. Peut-être pas assez vite, peut-être pas assez pour prendre la place de la défaillance de ces deux leaders. Mais il y a eu une mauvaise spirale négative pour nos deux leaders pour différentes raisons. Il y a un athlète dépressif (Emilien Jacquelin) depuis un an et demi, qu’on a accompagné, qu’on a guidé, on a fait plus que ce qui était possible. On a mis toute notre énergie, parfois peut-être trop. On a trop cherché à le ramener dans le droit chemin, mais là on parle de maladie. Il faut dire les mots, c’est une dépression. On n’ pas les bonnes réponses non plus. On l’a maintenu et ça fait un an et demi que ça dure. Depuis le Grand Bornand l’année d’avant. C’était pourtant bien parti sur le début de saison, il a fait un très bon début de saison, deux bons week-end. Mais il n’était pas prêt à la gestion du Grand Bornand mentalement et il a fait ré-exploser. »

Et de poursuivre : « Et puis Quentin sur l’année post-olympique, il n’a jamais voulu entendre les messages d’avertissement. De dire que ce ne serait pas une année comme les autres, avec une nouvelle gestion. Peut-être que l’on n’a pas su assez impacter ça. C’est Quentin et je pense qu’il voulait montrer à tous ceux qui lui disaient que ça allait être une année difficile que lui ça ne l’atteindrait pas. Parce que c ‘est une machine et qu’il est capable d’être dans la reproduction de telles performances. Et finalement il est tombé malade à Noël, il a eu le covid, des choses qu’il ne dispose jamais dans sa carrière. ‘est trompé un peu de lecture. On a essayé de le mettre en garde. Notre tort c’est peut-être de ne pas avoir assez impacté pour lui. »

Depuis le début de saison, Fillon-Maillet répétait qu’il avait « manqué de nouveauté » dans sa préparation. Et comparait avant les championnats du monde la dynamique inversée du groupe féminin. « Le changement de staff avec Cyril Burdet qui est arrivé et a apporté beaucoup de nouveauté dans la préparation des filles, ça a apporté une certaine dynamique dans l’équipe. Nous, en étant reparti avec le même staff on est peut-être trop reparti ensemble dans la même dynamique. Ca peut expliquer certaines contre-performances. »

A l’issue de Mondiaux à Oberhof fin février qu’il avait traversé comme l’ombre de lui-même, Emilien Jacquelin avait lui lâché : « Oui il va falloir réfléchir tous ensemble à ce qu’on doit faire évalué en équipe, staff comme athlètes, pour ne pas refaire une saison comme ça. Il ya des choses qui doivent se réfléchir à froid. On pourra tout mettre à plat, avec réflexion. Il ne faut pas se reposer sur les lauriers, depuis 2009 l’équipe de France masculin performe, il ne fait pas en oublier de se remettre en question pour continuer à avancer et performer. »

« On sent qu’on n’est plus en phase »

Les deux entraîneurs assurent qu’ils étaient « prêts à repartir, la motivation de guider une équipe au plus haut niveau était intacte, insiste Vittoz. On réfléchissait à des solutions, on réfléchissait à amener un peu de renouveau, on avait pensé peut-être à plus de coopération avec le staff féminin notamment. On a fait le bilan, individuellement et collectivement, et on sent qu’on n’est plus en phase. On est un duo qui avait cette exigence, la même soif de victoires, on avait le même moteur, les mêmes valeurs. Je ne serais pas personnellement reparti si je n’avais pas eu ça, parce que je sais qu’il fait avoir cette exigence. C’est peut-être un des points de rupture aujourd’hui avec le groupe, on a de l’exigence que certains n’ont peut-être pas compris. On est au bout de l’histoire aujourd’hui, c’est sûr… »

Vincent Vittoz ne veut pas parler de ressentiment à l’égard des athlètes. « Le temps fera les choses et on est déjà passés à autre chose. On a dit ce qu’on avait à dire. Ils ont entendu et ils retiendront ce qu’ils voudront retenir. Mais ce n’est pas la question aujourd’hui , ce n’est pas ce qui reste. » Il reste cinq saisons à la tête des bleus avec un bilan qui reste exceptionnel et en point d’orgue les JO de Pékin les plus prolifiques pour le biathlon français.

« Il y a cette année 2020 exceptionnelle où on a fait des triplés, quadruplés… C’était fantastique, se remémore Vittoz. Et puis ce titre de champion du monde en relais à Oberhof où on nous rabâchait que l’équipe de Norvège était imbattable. Ca reste un grand moment. On était côte à côte avec Patrick dans l’arrivée et notre bonheur était très grand. Cette dernière ligne droite, quand Quentin vient nous taper dans les mains on est vraiment heureux et fiers d’avoir fait ça. Et je retiendrais l’aventure humaine avec tout un staff, toutes ces belles personnes dans l’ensemble du staff. On retient tous ces moments partagés avec eux et c’est pour ça qu’on est touchés. »



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