Menuiserie, impatience et dossard jaune… Qui est Julia Simon, la nouvelle patronne du biathlon mondial
Julia Simon est adjugée ce samedi le gros globe de cristal, qui récompense la meilleure biathlète de la saison. Une consécration pour l’athlète de 26 ans qui, à l’origine, était simplement en quête de régularité cet hiver.
Elle fait son entrée dans le Panthéon du biathlon français. En tête du classement général de la Coupe du monde durant la majeure partie de la saison, Julia Simon26 ans, vient de remporter la première fois de sa carrière le gros globe de cristal, qui récompense la meilleure – et plus régulière – biathlète de la saison.
Ce week-end à Oslo, le temple de son sport, la Tricolore disposait de plusieurs cartouches pour verrouiller son sacre. Avec 144 points d’avance sur l’Italienne Dorothea Wierer à l’aube de cette ultime étape, seule une catastrophe aurait pu priver la biathlète des Saisies (Savoie) du titre. Sans trembler, la Française a finalement fini le travail sur le sprint de ce samedi, en terminant devant sa rivale.
Ce sacre vient récompenser plusieurs mois de domination sur le circuit mondial. Depuis que Simon a endossé le dossard jaune de leader du classement général, début décembre, il n’a plus quitté ses épaules. Pourtant, la jeune femme, également médaillée d’or sur la poursuite des championnats du monde d’Oberhof (Allemagne) en février, était à l’origine seulement à la recherche de régularité. « Si j’avais ce gros globe en tête avant le début de la saison ? Très honnêtement, non, a tranché Julia Simon avant cette ultime étape d’Oslo. Mon objectif, vraiment, c’était d’être plus régulier en Coupe du monde, d’arrêter de faire podium, 60e, podium, 60e… Ça n’a pas été mon objectif jusqu’à fin janvier », assure-t-elle.
La fin d’une irrégularité chronique
Depuis son arrivée en équipe de France sur la Coupe du monde, la biathlète a toujours été identifiée comme l’un des plus grands espoirs du biathlon mondial. Elle a décroché sa première victoire il y a trois ans, en mars 2020, en remportant la dernière course de la saison, la poursuite de Kontiolahti. Trois autres victoires en Coupe du monde, accompagnées d’une médaille d’or aux championnats du monde sur le relais mixte simple de Pokljuka en 2021, suivront. Mais, jusqu’au début de cet hiver, elle brillait autant par ses coups d’éclat que par ses résultats en dents de scie, avec comme meilleure performance une 8e place au classement général de la Coupe du monde en 2019-2020.
Pour mettre fin à cette irrégularité chronique, elle a amorcé un travail de fond, notamment sur le tir couché, l’une de ses grandes forces lors de cette saison 2022-2023. « Ça vient valider deux ans de travail dans l’ombre, ait expliqué Julia Simon mi-décembre après trois podiums consécutifs, dont deux victoires. Ce que l’on voit aujourd’hui c’est deux ans de travail avec des hauts et des bas. Il y a eu des moments de doute et heureusement que Polo (Jean-Paul Giachino, l’entraîneur de tir de l’équipe de France, ndlr) était là pour me dire de continuer dans cette voie-là, parce que des fois ça ne marchait pas et aujourd’hui ça vient récompenser tout ça. J’espère que je pourrai garder cette régularité le plus longtemps possible c’est ce derrière quoi je cours. »
« Quelqu’un qui a appris à tirer un peu en mode ball-trap »
Selon « Polo » Giachino, cette révolution a été amorcée il y a tout juste trois ans. « Quand on a fait les premiers entraînements à la reprise au printemps 2020, chez elle dans le Beaufort, je lui ai dit ‘c’est deux ans de travail’, rembobinait Jean-Paul Giachino en décembre. Elle m’a répondu ‘je n’ai pas deux ans ». Julia a plein de qualités, mais il ya une chose qu’elle n’a pas, c’est la patience. Elle a appris au fil de ces deux ans la patience. J’ai démoli ce qu’elle avait appris qui était quelque chose qui ne marchait pas. Ce n’est pas de sa faute, mais on ne lui avait pas appris les fondamentaux du tir. La respiration, la visée et le lâché. C’est technique mais c ‘est tout simple. Je lui ai demandé d’appliquer ça, de respecter ça. C’est quelqu’un qui a appris à tirer un peu en mode « ball-trap » et ça ne marche pas pour acquérir de la régularité. »
Depuis que chacun de ses passages sur le pas de tir ne fait plus frémir tout le staff des Bleus, rien ne résiste à la biathlète. Cette saison, elle est montée sur dix podiums en Coupe du monde, dont quatre fois sur la plus haute marche. En cinq mois de compétition, elle a donc remporté autant de victoires que depuis ses débuts sur le circuit principal en 2017.
En s’adjugeant très rapidement le dossard jaune, elle a par ailleurs dû s’habituer à un statut qu’il est toujours difficile d’appréhender. « Avant les courses, ça me prend plus d’énergie qu’à l’époque où je partais avec un dossard normal, confirme la principale intéressée. J’ouvre les réseaux sociaux, je tombe sur des articles, et c’est ch. .. Il faut que je sois plus imperméable. Mais j’arrive plutôt à gérer jusqu’à maintenant. »
Seulement trois Françaises ont remporté le gros globe dans l’histoire
Julia Simon, diplômée d’un CAP menuiserie et qui a d’ailleurs façonné elle-même une pièce de sa carabine, résiste si bien à la pression qu’elle vient de rentrer dans l’histoire de son sport. Si le biathlon français a récemment pris l’habitude de régner sur la Coupe du monde grâce aux hommes, avec sept gros globes pour Martin Fourcade entre 2012 et 2018 et un pour Quentin Fillon Maillet la saison dernière, aucune Française n’y était parvenue depuis 18 ans et Sandrine Bailly, en 2005. Dans toute l’histoire, elles n’étaient que trois à avoir remporté le classement général avant Julia Simon : Sandrine Bailly, donc, Anne Briand (1995) et Emmanuelle Claret (1996).
Le poids de l’histoire se faisait donc sentir sur ses solides épaules. « Je vais essayer de ne rien changer. Je me fixe des petits objectifs comme ça, course après course, pour rester bien dans le coup et ne pas me faire prendre par l’évènement », clame Julia Simon avant l’étape d’Oslo pour s’enlever toute pression, dans des propos rapportés par L’Equipe.
Le gros globe en poche, elle peut désormais souffler et contempler avec satisfaction le travail accompli au cours des derniers mois. Avant de se fixer un nouvel objectif comme celui de briller aux JO, le seul titre qui lui manquerait en cas d’émission favorable ce week-end à Oslo ? Pour une jeune femme née à Albertville et qui a grandi à proximité de la piste olympique des Saisies, ce ne serait que la suite logique.